samedi 1 juin 2013

Plongée dans le grand bain

J'entretiens un rapport d'attraction/répulsion avec les piscines municipales.

Enfin surtout celle-ci :


 La piscine Blomet du 15e. 50m au garrot les gars !


Sans mentir, on pourrait réécrire l'histoire de ma vie à partir de cette piscine. Et je vais vous la raconter, puisque je vous vois frétiller d'impatience derrière vos ordinateurs...

C'est une histoire qui a mal commencé, par une sombre nuit d'hiver, le 26 janvier 1998. (En fait j'en sais rien, mais ça sonnait bien alors j'ai suivi mon instinct de narrateur). La première fois que je suis allée à Blomet, c'était avec l'école, en début de primaire. Alors déjà, le sport, ça a été la bête noire de toute ma scolarité. J'en avais la nausée qu'à y penser la veille, car souvent, ces cours ont été associés à des souvenirs traumatisants dans mon esprit. Par exemple, le moment où il fallait constituer des équipes pour les sports collectifs. Je voyais les gens se faire appeler un à un, tandis que moi je me retrouvais parmi les derniers qui restaient, ceux dont personne ne voulait, écrasée par un sentiment de nullité intergalactique. Hé oui, c'est au coeur d'un préau aux murs jaunâtres que je fis l'expérience de l'exclusion, dans le caleçon fleuri que m'avait acheté ma mère et mes baskets Reebok taille 32. En plus, mon prof de sport de l'époque était un type absolument infect. M. Chièze, qu'il s'appelait. J'avais au moins la consolation de savoir qu'il portait un nom qui craignait !

Début primaire donc, les joyeux galopins que nous étions devions suivre des cours de natation à la piscine Blomet. En entrant dans cette étendue d'eau qui s'étalait à perte de vue devant moi, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Pour nous guider, un petit groupe d'adultes s'occupaient des élèves et leur donnaient des instructions. Je me suis glissée dans l'eau en descendant la petite échelle marche par marche, avec l'application d'un jeune singe à qui sa maman apprend à danser la macarena - les singes dansent très bien la macarena, faut pas croire... Première réaction une fois dans l'eau : c'est froid (sa mère) ! Leur eau, c'est des glaçons qui ont fondu ou quoi ? J'en ai la chair de poule. On nous dit qu'il faut bouger pour se réchauffer. Mon bonnet de bain vissé sur le crâne, je me mets donc à barboter avec mes petits camarades afin de ne pas tomber en hypothermie. A ce moment-là, j'étais loin d'imaginer que dans les minutes qui suivaient, j'allais vivre une expérience de mort imminente ("near-death experience" pour les lecteurs anglophones).

Pour en arriver à cette tragique mésaventure, tout s'est passé en quelques secondes. Comme tous les apprentis baigneurs, j'avais rejoint le groupe d'adultes qui avaient des choses importantes à nous dire sur le déroulement de la séance. Malheureusement, je n'ai pas pu en apprendre beaucoup plus, car d'un coup je me suis rendue compte que je n'avais plus pied dans le bassin. On était encore dans le petit bain, mais assez loin pour que ma frêle stature ne domine plus cette masse liquide sauvage et indomptable. Je rencontrais le vide quand j'essayais de trouver un point d'appui, et ne sachant pas ce qu'il fallait faire en pareil cas, j'ai coulé vers le fond avant d'avoir eu le temps de dire ouf. Adieu formes et bruits du monde réel ! Je découvris un univers parallèle où régnait le silence, espace flou à la fois merveilleux et effrayant. Je n'avais encore jamais mis la tête sous l'eau, et je ne savais pas qu'on n'était pas censé respirer dans cette situation. En prenant une inspiration, j'ai tout de même compris que quelque chose n'allait pas. Je pris conscience que j'étais en train de faire l'expérience de ma propre fin. Les autres avaient-ils remarqué que j'avais subitement disparu de la circulation ? Noyée sous l'eau, j'étais à la fois paniquée et résignée, ayant déjà à l'époque un fort sens de la fatalité. Ainsi, j'allais mourir. Allait-on m'enterrer dans mon maillot de bain, avec mon splendide bonnet ?, me demandais-je anxieusement.

J'en étais là de mes réflexions quand je sentis une force me tirer brutalement vers le haut. La Vierge Marie n'avait même pas eu le temps de m'apparaître ! Mon sauveur était un parent d'élève accompagnateur dont je ne me souviens plus du visage. Si tu te reconnais dans ces lignes, je te passe le bonjour, Michel !

Quand je suis enfin remontée à la surface, j'ai bien cru que j'allais cracher mes tripes. Mais j'étais vivante. Comme quoi la vie tient à bien peu de choses, mes chers amis.


 
Ici dans ma coquille remplie de 2 cm d'eau, j'étais sûre d'être en sécurité.


A la suite de cette mésaventure, j'ai développé ce que j'appelle poétiquement "le traumatisme de la tête sous l'eau", qui a affecté une grande partie de ma vie. D'abord parce que je n'avais pas songé à me faire dispenser des cours de natation, où les élèves sont évalués notamment sur leur capacité à passer en-dessous de sortes de guirlandes étendues à la surface de l'eau. Je me revois lors de ces épreuves, petit chien mouillé suffocant, toujours à la traîne, pendant que ce satané M. Chièze suivait ma progression sur la terre ferme. Plus tard, en vacances à la mer, je fuyais les gamins qui appuient la tête des autres sous l'eau "pour rigoler". La mienne, je tenais à la protéger des dégâts qu'elle avait déjà subis.

On ne peut donc pas dire que j'aie développé une relation de franche camaraderie avec la piscine Blomet dans mon enfance. Je m'en suis même tenue à distance autant que possible dans les années qui ont suivi, mon hostilité répondant à la sienne.

Mais avec le temps, il arrive qu'on prenne du recul même sur les événements les plus traumatisants de sa vie. C'est ce qui est arrivé pour moi à l'adolescence. A cette période, je me suis mise à faire de grosses crises d'angoisse. Je me sentais oppressée 24h/24, je n'arrivais plus à dormir et mon cœur battait si fort que j'avais constamment l'impression qu'il cherchait à sortir de ma cage thoracique.


L'adolescence, ce moment difficile


On m'a conseillé de faire du sport pour me défouler de ce surplus de stress. Alors je me suis mise à la course, et puis tous les jours j'allais nager à Blomet - la tête hors de l'eau évidemment. Je ressortais de mes séances de natation complètement vidée, et grâce à cette activité j'ai retrouvé l'appétit et le sommeil. Depuis, j'y retourne de temps en temps quand le coeur m'en dit.

En fin de compte, la piscine Blomet est à la fois l'endroit où j'ai failli y passer et celui qui m'a permis de calmer mes angoisses. Joli, non ?

Quand je dis à mon entourage que j'aime aller nager dans les piscines municipales, je fais face à deux types de réactions. Il y a ceux qui trouvent ça bien ("Rhaa ouais, qu'est-ce que ça fait du bien la piscine ! Tu ressors de là, t'es vidé, et ton corps produit plein d'endorphines, une vraie drogue !"), et puis ceux qui n'aiment pas les piscines municipales parce que "c'est crade". J'ai remarqué que souvent, ces mêmes personnes répugnent à s'accrocher à la barre dans le métro pour la même raison. Cette peur panique des microbes ne manque jamais de m'étonner, parce qu'après tout, ils font partie de la vie. Hé les mecs, il y a autant de gens qui font pipi dans les piscines municipales que dans la mer ! (Et entre nous, qui ne l'a jamais fait ?)

J'aime les piscines municipales car qu'on soit cadre ou chômeur, quand on veut aller nager à Paris, on se retrouve tous dans le même bain si j'ose dire, dépouillés des indices extérieurs de notre appartenance sociale et coiffés d'un bonnet de bain ridicule, presque comme au premier jour de l'humanité. Rêvons ensemble d'un monde où tous les nageurs se tiendraient par la main, ça règlerait bien des problèmes.


Pédiluvement vôtre.


BONUS : pitite revue du web


- Afida Turner nous prouve en image qu'elle travaille bien "à la sueur de son string" (du moins on l'imagine) :


Déchaînée la Afida !




Une fan qui s'enflamme sur Twitter


- On plaint le fils de Shakira, qui a déclaré dans US Weekly : "L'allaitement a été l'une des expériences les plus formidables de ma vie. J'adore ça ! Je ne peux pas m'arrêter. Je crois que je vais le nourrir au sein jusqu'à ce qu'il aille à l'Université !" Hum, on va essayer de se passer d'images...

- Et le meilleur pour la fin : Jonah Falcon, 42 ans, connu pour être l'homme ayant le plus gros pénis au monde - dans les aéroports, les agents de sécurité prennent son organe pour une arme potentielle -, a sorti une chanson sur ses attributs pour "rendre les gens heureux". Ca s'appelle It's too big, et comme on pouvait s'y attendre, c'est délicieusement kitsch : 




Hasta la vista les amis !